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ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS : La FNPL avance ses pions

Le projet de la FNPL passe sous silence le risque de concurrence entre les organisations de producteurs, voire entre les bassins de production. C'est ce qui s'est passé en Suisse.© CLAUDIUS THIRIET

La FNPL présente un projet d'organisations de producteurs destiné à rééquilibrer le rapport de force avec les transformateurs. Cette massification de l'offre rencontrera-t-elle l'enthousiasme nécessaire?

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Pour la FNPL, il ne fait plus aucun doute que le combat pour une régulation publique des marchés est perdu. Si le syndicat majoritaire constate, à regret, l'orientation libérale des politiques agricoles, il affirme sa volonté de travailler à une nouvelle organisation laitière « qui puisse donner des outils aux éleveurs pour amortir les fluctuations du marché et construire un rapport plus équilibré avec les transformateurs ». Ce projet aurait pour pilier le regroupement des producteurs au sein d'une structure qui a déjà son sigle : l'Ocep pour Organisation collective et économique des producteurs. Il s'agit en premier lieu d'arriver à massifier l'offre en lait de façon à créer un rapport de force face aux transformateurs. « Pour ne pas devenir leurs soustraitants », insiste la FNPL.

« Mais soyons clairs, ce ne sont pas les Ocep ni les contrats, comme le sous-entend parfois le ministre, qui serviront à réguler les marchés. La régulation, c'est à Bruxelles qu'elle se fera », précise Henri Brichart, président de la FNPL. Le syndicat majoritaire envisage de commencer par un rapprochement des organisations de producteurs, d'abord par entreprises. « Là où il n'en existe pas, il faudra les créer, à l'image de ce qu'ont fait les producteurs d'Entremont. » Ensuite, elle imagine la possibilité de fédérations interentreprises au niveau des bassins de production.

LA FACTURATION POUR CONNAITRE LES VOLUMES

Quand au cas particulier des coopératives, la FNPL n'est pas favorable à la généralisation d'une organisation de producteurs en amont de celles-ci.

« À moins que les producteurs adhérents y soient contraints par défiance, ce qui serait la preuve d'un dysfonctionnement de leur structure puisque la coop est, par essence, une Ocep. »

Toute la puissance de ces Ocep sera d'avoir un mandat de négociation de la part de ses adhérents (validé par la signature d'un bulletin d'adhésion individuel). Mandat qui habilitera juridiquement les représentants de l'Ocep à « entamer des négociations commerciales avec les acheteurs en vue de négocier au mieux des conditions générales de vente », précise le projet FNPL. On touche là au nerf de la guerre. Et l'une des armes serait le mandat de facturation : « La reprise en main de cet acte est un élément politique fort de rééquilibrage des relations. C'est aussi déterminant pour connaître l'ensemble des livraisons de l'amont », affirme le texte du projet. D'autant que l'obligation faite aux acheteurs de déclarer les volumes, dans le cadre de la gestion des quotas, disparaîtra le 1er avril 2015. Dans la même ligne, le transfert de propriété, même s'il passe mal psychologiquement, apporterait un potentiel de négociation supplémentaire. Se pose aussi la question du rôle du syndicalisme dans les Ocep. Le FNPL affirme « qu'elle n'a pas vocation à se substituer à la responsabilité des Ocep dans la négociation des contrats ». Son rôle se limiterait à l'interprofession, nationale et régionale, pour négocier et signer des accords, notamment les indicateurs de prix, les grilles régionales, etc. Pour reprendre une image propre au monde du travail salarié : la FNPL négocierait les « accords de branche » et sur leur base, les Ocep négocieraient la plus value pour chaque entreprise en fonction de la spécificité des contrats proposés. Henri Brichart insiste sur la nécessité de cette massification de l'offre à une échelle assez large : « Demain, les producteurs ne seront plus protégés par une politique publique. S'ils demeurent isolés, le risque est grand de voir s'établir une concurrence entre eux. »

OBLIGATION DE CONTRACTUALISER DÈS LE 1ER AVRIL?

Pour autant, les divisions syndicales d'aujourd'hui laissent planer un doute sur une adhésion massive à un projet porté par la seule FNPL. Ensuite, ce projet ne fait aucune allusion au risque de concurrence entre les Ocep, voire entre les régions. Une concurrence qui pourrait être habillement orchestrée par les entreprises elles-mêmes. Sur ce point, l'exemple suisse interroge. Patrick Ramet, rapporteur du projet, reconnaît que c'est un travail complexe qui devra faire face à des situations très hétérogènes sur le terrain : « Le chantier sera long. » Mais le tempo pourrait être plus rapide que prévu avec un ministre de l'Agriculture déterminé à rendre la contractualisation obligatoire dès le 1er avril 2011. « Il y a déjà des organisations de producteurs structurées, prêtes à recevoir les offres de contrats. Ailleurs, nous avons six mois pour travailler », avance avec optimisme la FNPL.

D'où un autre volet important du projet : le guide des bonnes pratiques contractuelles. Les éleveurs et leurs groupements y trouveront les points de vigilance pour les différentes clauses. C'est-à-dire ce que les contrats doivent et ne doivent pas comporter au sens de la FNPL. Parmi ces points : le respect des accords nationaux et régionaux sur les indicateurs et les grilles régionales, donc la détermination d'un prix de base, la responsabilité de la facturation au producteur et une détermination du volume basé sur la référence administrative et, pourquoi pas, un système de volume et de prix différencié. « Nous n'accepterons pas des contrats non sécurisants pour les producteurs », avertit Henri Brichart.

DOMINIQUE GRÉMY

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